Car si à première vue – sauf à regarder certains signaux – rien ne l’indique, le jeune Bruxellois souffre certainement d’un trouble du spectre autistique (TSA). Elle a également dû attendre l’année dernière jusqu’à 31 ans pour recevoir un diagnostic, après avoir été traitée pendant six ans pour un trouble bipolaire.

Marie Chatelein
Après une longue errance diagnostique, Marie a pu, il y a seulement un an, donner un nom à son mal-être. ©Jean Luc Flémal

Une longue errance diagnostique

Si Marie a aujourd’hui l’envie de raconter en détail son parcours, c’est surtout pour dénoncer cette erreur de diagnostic – voire cette erreur – qu’elle estime encore trop répandue en matière de troubles psychiatriques. “L’ASD est mentionnée dans le DSM, dit-elle aussitôt, en se référant au Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux : mais c’est aussi un trouble neurodéveloppemental. Il s’agit selon moi plutôt d’un handicap, même s’il existe de nombreuses comorbidités psychiatriques.” Elle fait une liste au fur et à mesure : “Anxiété dépression, trouble obsessionnel-compulsif, TDAH (trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité)… On me diagnostique également un TSA, mais aussi un TDAH et une HP (haute puissance)”, dit-elle en riant. Comme lorsqu’elle se présente : “J’ai 32 ans… et toutes mes dents«Des dents heureuses…»Oui, si cela ne suffisait pas, nous en avions encore plus besoin“.

« Avec ce syndrome, je peux soudainement frapper des gens que je ne connais pas au ventre ou dans les fesses. C’est assez stressant dans la rue.

Alors qu’elle s’empresse d’expliquer qu’elle séjourne aujourd’hui une semaine dans un établissement de soins psychiatriques (MSP) à Uccle – une structure de transition (généralement entre l’hospitalisation et le retour à une vie indépendante) – on l’oblige à un « petit » flash-back. à ramener à son enfance. La petite fille, qui sait déjà lire, écrire et compter, a cinq ans et demi et passe deux semaines à l’école primaire, après quoi elle est immédiatement parachutée en deuxième année. “J’étais curieux et j’ai demandé », dit-elle pour expliquer son apprentissage précoce. Pour le reste, ses souvenirs des premières années d’école étaient “beaucoup de ridicule parce que mes oreilles, que j’avais opérées il y a un an et demi, étaient vraiment décollées à l’époque. Alors les blagues, déjà à la maternelle, étaient en feu ! J’ai toujours été un peu un mouton noir et un tyran, surtout depuis que j’étais très petit. Mon surnom classique était Dumbo ! J’ai été harcelé, moqué. Je sentais que j’étais différent. A l’école primaire, si je me souviens bien, c’était un peu moins pire. Au lycée, passable. Résultats académiques suivis, sans trop d’effort“Et en effet, après avoir quitté ses sciences humaines à 16 ans et demi, l’adolescente s’est offerte une seconde rhéto à Boston.”C’est à ce moment-là que j’ai eu la révélation des mathématiques, même si j’étais très mauvais jusque-là. J’ai réalisé que c’était cette façon d’enseigner qui ne me convenait pas. Cette année a été formidable à tous points de vue.“.

Une lutte contre les problèmes de santé mentale

De retour en Belgique, “il fallait choisir des études“, admet-elle.”Avant de partir aux États-Unis, je souhaitais étudier la psychologie. J’ai toujours voulu comprendre le fonctionnement du cerveau, des gens et des relations sociales… Mais on m’a dit qu’il n’y avait pas beaucoup d’options. Pour rester dans le milieu de la santé, j’ai entamé une première année d’infirmière. Cependant, sur le plan académique, j’allais très bien, au niveau des soins, de l’audition, de l’audition, de l’audition… Je n’allais pas bien du tout car je ne me souvenais pas des procédures.“. En mai, elle a abandonné, après avoir hésité dans la file d’inscription entre psycho et germanique pour devenir professeur de langues. L’élève a finalement choisi psycho. « J’ai choisi l’option recherche en master parce que je ne me sentais pas prête à m’occuper des patients.“. Elle réalisera une thèse de doctorat et travaillera dans la recherche pendant cinq ans à l’ULB. Parallèlement, l’étudiante complétera sa formation par un deuxième master en neuropsychologie, alors qu’elle avait entamé une formation de psychothérapeute.

Marie Chatelain
Marie, j’aime lire. ©Jean Luc Flémal

Mais maintenant qu’elle a atteint son objectif, trois mois avant le dépôt de sa thèse, Marie doit tout mettre entre parenthèses en raison de problèmes de santé. “Depuis que je suis petite, j’ai lutté contre des problèmes psychologiques, qui n’ont jamais été vraiment caractérisés”, elle explique. Mais reste? “Disons simplement qu’il s’agissait plutôt de troubles anxieux-dépressifs. jusqu’à ce qu’on me diagnostique un trouble bipolaire de type 2 en 2016. Ce fut un soulagement car finalement quelqu’un a dit un mot sur mon malaise. Mais cela implique des traitements assez sérieux : antidépresseurs, neuroleptiques, thymorégulateurs, antiépileptiques, somnifères… Le tout. Ce qui a également causé beaucoup de dégâts au niveau somatique puisque cela a complètement perturbé mon équilibre hormonal, entre autres. J’ai donc pris 40 kg pour atteindre plus de 100 kg pour 1m60. J’ai eu un pontage gastrique il y a 3 ans“.

«Je me gratte jusqu’au sang. Cela me fascine et j’en tire satisfaction.

Une première hospitalisation en psychiatrie

Mais si l’intervention s’est bien déroulée, il faut le savoir “Le bypass affecte l’absorption des médicaments. C’est comme si je traversais une phase de sevrage. TerribleRésultat : une première hospitalisation en psychiatrie en 2021, au cours de laquelle une jeune assistante psychiatre a « chatouillé » le diagnostic de bipolarité, « officiellement » remis en cause après quelques mois de traitement. Considérant que le médicament n’était pas parce qu’ils mettaient plus de temps à atteindre la dose thérapeutique dans le sang, ils ont pris ensemble la décision d’arrêter progressivement ces traitements pour le trouble bipolaire, notant que «Sans les médicaments, la situation n’aurait pas empiré. Aucune décompensation n’a eu lieu« En revanche, d’autres symptômes jusque-là cachés réapparaissent, comme des troubles cognitifs, des problèmes d’attention, une hyperactivité, etc.

Une fois le TDAH maîtrisé après la prise d’un psychostimulant »,on s’est dit : il n’y a pas que ça“Ensuite, la question s’est posée de la possibilité d’un trouble du spectre autistique.”J’ai rempli toutes les casescontinue Marie. Problèmes majeurs de communication sociale, d’établissement et de maintien de liens, difficultés quotidiennes, maladresses, besoin de routines, de structure, beaucoup de temps seul… J’ai beaucoup de difficultés à sortir de la maison. Pour faire du shopping, je privilégie les heures creuses et les petits commerces. Un hypermarché, c’est un enfer pour moi. Trop de choix, trop de bruit, trop de lumière, trop de monde… Ce n’est pas tant que je n’aime pas rencontrer des gens, mais que les interactions sociales me causent des ennuis car j’ai une batterie sociale qui s’épuise très vite. déchargée. Donc je me fatigue très vite. Et la seule façon de me remettre sur pied, c’est de m’enfermer chez moi pendant deux jours et de ne voir personne.

Marie Chatelein
©Jean Luc Flémal

Je n’ai aucune image dans ma tête

Un an après l’hypothèse, le diagnostic de TSA avec profil Asperger a donc été confirmé par un psychologue spécialisé. En septembre 2023, alors que Marie a 31 ans. “j’apprends vitereconnaît Marie, mais d’un autre côté, je n’ai pas une très bonne mémoire, à part des choses complètement inutiles comme les plaques d’immatriculation, les dates, les numéros de téléphone… Par contre, si je te croise dans la rue demain, ce sera comme ‘Je ne t’ai jamais vu auparavant. Il n’y a aucune image dans ma tête. Quand quelqu’un me dit « imaginez », je peux relier les concepts, mais aucune image n’émerge. D’un autre côté, les mots sont très importants pour moi car je lis et j’écris beaucoup.”

« Ce jour-là, je suis rentré chez moi et j’ai pleuré pendant des heures. Soudain, tout mon passé est apparu à la lumière. Ce diagnostic a changé ma vie.

Une autre caractéristique est que « Jusqu’à récemment, je ne pouvais pas identifier les émotions même si je connaissais les concepts, les mots… Je pouvais dire si c’était juste ou pas, mais ce n’est plus le cas depuis que j’ai passé des mois à travailler avec mon psychologue sur l’identification des émotions. Maintenant, je peux identifier les émotions primaires. Alors, quand nous jouons et lui demandons comment elle se sent en ce moment, elle réfléchit quelques secondes avant de répondre.: “Encore un peu stressé, mais ce n’est pas trop grave. Je suis aussi heureux de partager mon expérience car j’ai découvert que je n’étais pas une licorne. Dans le sens de ‘une sorte de chose unique’, j’ai réalisé qu’il y avait un beaucoup d’autres femmes parmi lesquelles on avait diagnostiqué un trouble mental, comme la bipolarité chez moi, avant que nous réalisions qu’il s’agissait en fait d’un TSA.

L’avenir étape par étape

Marie devrait quitter début juillet l’Etablissement de soins psychiatriques où elle séjourne en semaine depuis plusieurs mois. Petit à petit, elle devra réapprendre à vivre seule, tout en bénéficiant de divers soutiens psychosociaux et d’un suivi psychiatrique. A-t-elle peur de ce retour à la vie normale ? “Oui bien sûr. Il faut dire que ce n’est que ces derniers mois que j’ai découvert ce que c’est de ne pas avoir de pensées suicidaires au quotidien, comme j’en ai toujours eu, même étant enfant.. Maintenant j’ai enfin les mots pour exprimer ce que je ressens depuis que je suis petite“.

Marie Chatelain
Marie voit l’avenir « pas à pas ». ©Jean Luc Flémal

Pas de reprise d’activité professionnelle prévue dans l’immédiat, ni même à moyen terme. “Je fais actuellement du bénévolat dans une petite boutique coopérative, ce que j’apprécie car c’est très routinier, même si cela reste très fatiguant pour moi. Mais ma priorité est une véritable guérison.. Retrouver un quotidien apaisé, même si le moral aujourd’hui n’a jamais été aussi bon depuis des années. Tout comme la capacité de gérer et de faire face. J’élabore également un plan d’intervention pour reconnaître les signes avant-coureurs, tant au niveau de mes pensées (ruminations, anxiété, pensées suicidaires, etc.) mais aussi au niveau somatique (fatigue, stress, etc.) pour prévenir une éventuelle rechute. que je crains. Mon état d’esprit est d’y aller, non pas au jour le jour, mais étape par étape. Je m’autorise à penser que j’ai droit à un quotidien agréable.

Le logo de notre série "Mots pour conditions"
Le logo de notre série « Mots pour le Mal » ©Raphaël Batista

À travers « Les mots pour le mal », Libre a choisi de donner la parole aux personnes touchées par diverses maladies, tant physiques que mentales, courantes ou rares. Des rencontres qui visent à comprendre leur quotidien, leurs difficultés et leurs espoirs, et à partager leurs regards sur l’existence. C’est aussi une manière de rappeler que personne n’est à l’abri de ces accidents de la vie. Cette série est à retrouver un lundi sur deux sur notre site.

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