Sur les réseaux sociaux, le professeur Didier Raoult affirme que les vaccins contre le Covid-19 développés par Pfizer et Moderna contiennent de trop grandes quantités d’ADN et que ce dernier est responsable de certaines formes de cancer. Le professeur Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale de l’Université de Genève, revient sur les contrevérités du microbiologiste.
La Dépêche du Midi : que sait-on de la présence d’ADN dans les vaccins ?
Antoine Flahault : L’ADN – ou « acide désoxyribonucléique » – est une molécule biologique. Aujourd’hui, de nombreux vaccins utilisés dans le monde contiennent de l’ADN : c’est le cas du vaccin contre la variole ou contre la varicelle et le zona, commercialisés depuis longtemps. Cette dernière est d’ailleurs promue depuis sa création par… le professeur Didier Raoult. À ma connaissance, il n’a pas exprimé d’inquiétude particulière à ce sujet depuis son lancement il y a plusieurs années.
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En plus du tweet d’Antoine @FLAHAULT :@raoult_didier a en effet toujours fait la promotion du vaccin contre la varicelle. Vous trouverez ci-dessous le schéma de réplication virale (via un vaccin vivant atténué ou une infection par la souche sauvage). L’ADN viral pénètre bien dans le noyau… https://t.co/IHU1SrBaCy pic.twitter.com/w5xt5zAwFv— Steve Claude \ud83c\udde8\ud83c\udded\ud83c\udde8\ud83c\uddf5\ud83c\udf04 (@ClaudeSteve6) 18 janvier 2024
Depuis sa création, de nombreuses études ont démontré que l’ADN du vaccin contre la varicelle, par exemple, pénètre dans le noyau de nos cellules une fois le vaccin injecté. C’est un processus désormais connu.
Vous souvenez-vous de la différence entre l’ADN et l’ARN ?
L’ADN présent dans nos chromosomes est une sorte de bibliothèque de nos codes génétiques. Celui-ci programme des molécules d’ARN (acide ribonucléique, ndlr), elles-mêmes responsables de la production de protéines dans notre organisme. L’ARN messager est donc une traduction de l’ADN qui permet la synthèse de protéines dans nos cellules. Dans le cadre de la vaccination contre le Covid-19, les chercheurs ont créé ce qu’on appelle « l’ADN plasmidique », un fragment d’ADN qui peut coder indépendamment les protéines des chromosomes. L’ADN plasmatique créé pour les vaccins Covid ne produit que de l’ARN messager*.
Cette présence d’ADN ou d’ARN dans les vaccins est-elle dangereuse pour la santé ?
Les vaccins contre le Covid-19 ont été injectés des milliards de fois. Ni les essais cliniques ni la vigilance vaccinale n’ont fait état de risques spécifiques liés à la présence d’ARN dans ces vaccins. Pas plus qu’avec les vaccins à ADN (utilisés contre la varicelle, la variole ou la variole du singe).
Le professeur Raoult confirme que les ARN introduits dans notre organisme par la vaccination contre le Covid-19 produisent des protéines inconnues qui pourraient provoquer la « survenue imprévue de l’encéphalopathie de Creutzfeld-Jacob »… quelle perspective prendre ? ?
C’est un mauvais test ! Dénoncer des maladies comme l’encéphalopathie de Creutzfeld-Jakob semble être un argument destiné avant tout à semer la peur. L’ARN messager présent dans certains vaccins destinés à lutter contre le Covid-19 n’est programmé que pour produire une seule et même protéine : la protéine Spike. Les vaccins vivants atténués ou les vaccins inactivés (tués) peuvent potentiellement induire la production d’un large éventail de protéines, mais pas les vaccins qui utilisent la technologie dite de l’ARN messager.
Étranges reflets de @raoult_didier dans un post d’hier qui pourrait vous faire vous demander s’il a été piraté parce que c’est tellement scientifiquement incorrect ?
De nombreux vaccins vivants atténués sont fabriqués uniquement à partir d’ADN : les vaccins BCG, contre la variole et la varicelle ! https://t.co/pezaYhHPG1-Antoine FLAHAULT (@FLAHAULT) 18 janvier 2024
De plus, nous savons que la maladie de Creutzfeld-Jacob survient en raison d’une contamination par des prions (un type de protéine naturellement présente sous sa forme cellulaire dans l’organisme, ndlr), ce que nous aimerions croire sans aucune preuve scientifique qu’ils sont également produit par les vaccins contre le Covid-19.
Le professeur Raoult confirme également que la technologie dite de l’ARN messager pourrait être à l’origine de certaines formes de cancer (lymphome, leucémie). D’autres opposants affirment sur les réseaux sociaux que c’est de là que vient l’origine des « turbocancers », terme souvent utilisé sur les réseaux sociaux. Que savons-nous de cela ?
Je n’ai jamais entendu parler de ce terme de « cancers turbo », ni en faculté de médecine ni lors de conférences scientifiques. Cependant, certains cancers évoluent rapidement. Concernant les vaccins, j’ai étudié de manière très approfondie le lien entre cancer et Covid-19 et nous avons publié nos résultats dans la littérature scientifique. Avant même le déploiement des vaccins, il était constaté que les formes graves de Covid-19 pouvaient être liées à des cancers sous-jacents non encore diagnostiqués. Mais vous voyez ici que s’il y a une relation causale, ce serait l’inverse.
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Ce n’est pas le Covid-19 qui provoquerait le cancer, mais le cancer, de par l’immunosuppression qu’il provoque, qui provoquerait des formes graves du Covid. Nous n’avons trouvé aucun lien entre les vaccins et le cancer.
Que pensez-vous des récentes déclarations du professeur Raoult ? Êtes-vous préoccupé par le rapport qu’entretiennent les Français et plus largement les patients du monde entier à la vaccination en général ?
Je ne comprends pas pourquoi Didier Raoult, grand promoteur du vaccin contre la varicelle, s’en prend aujourd’hui aux vaccins contre le Covid-19. Par ses propos, il met en doute cet énorme progrès scientifique qui a permis de sauver plus de 20 millions de vies rien que dans la première année de leur déploiement, dont 1,4 million rien qu’en Europe selon l’OMS.