L’incidence du cancer du sein augmentant avec l’âge, l’existence de comorbidités et de traitements au moment du diagnostic de la maladie tumorale est fréquente (30 et 70 % des femmes). Plusieurs études ont déjà décrit des liens entre la prise de certaines molécules et le pronostic de la maladie. Chercheurs impliqués dans l’étude FRESH (Cohorte française du cancer du sein précoce), fondée par l’Institut national du cancer (INCa), a souhaité poursuivre l’investigation de ces interactions en étudiant l’influence des traitements actuels administrés avant le diagnostic du cancer du sein sur l’évolution de la maladie.
Analyse du parcours de plus de 230 000 Françaises
La cohorte FRESH comprenait toutes les femmes diagnostiquées avec un cancer du sein non métastatique entre 2011 et 2017 et inscrites au régime général. Les traitements prodigués ont été analysés, un traitement étant classé comme chronique s’il avait été prescrit à la dose recommandée pendant au moins 3 mois au cours des 6 mois précédant le diagnostic. Simultanément, 52 comorbidités ont été recherchées et regroupées en 12 catégories pour analyse.
Sur la base de ces données, une analyse d’inférence causale a été réalisée pour déterminer les relations causales entre les comorbidités, leur traitement et leur pronostic. Ce travail s’appuie sur une démarche d’ajustement des données aux caractéristiques des patients puis d’examen des effets du traitement sur les courbes de survie de Kaplan-Meier. Les auteurs ont calculé le rapport de risque (Cox HR) pour chacune des molécules, avec une valeur inférieure à 1 indiquant un risque plus faible.
L’analyse a pu inclure 235 368 patients (âge moyen 60 ans). Dans cette cohorte, 65,1 % des cancers étaient luminaux et 81,2 % n’impliquaient pas les ganglions lymphatiques. 47 % d’entre eux présentaient au moins une comorbidité et les trois quarts avaient reçu un traitement concomitant avant le diagnostic. Les pathologies les plus fréquentes étaient cardiovasculaires (25,6 %) ou endocriniennes et métaboliques (21,9 %). Après un suivi moyen de 54 mois, 12,1 % des patients ont rechuté ou sont décédés.
Vers des médicaments d’appoint abordables ?
Les molécules ayant eu un effet bénéfique sur la survie globale étaient le rabéprazole (HR 0,77), l’alvérine (HR 0,78), l’aténolol (HR 0,77), l’estriol (HR vaginal ou transmuqueux 0,58). L’hypromellose avait une influence favorable sur la SSP (HR 0,77). Enfin, trois molécules ont eu une influence bénéfique sur les deux paramètres : la simvastatine (HR SG 0,73 et PFS 0,76), la rosuvastatine (HR SG 0,64 et PFS 0,72) et le nomégestrol (HR SG 0,39 et PFS 0,74) (toutes étaient statistiquement significatives).
À l’inverse, le fumarate ferreux (HR SSP 1,74), le carbimazole (HR SSP 1,42), l’alprazolam (HR SSP 1,12), l’hydroxyzine (HR SSP 1,16) et la miansérine (HR PFS 1,36) étaient associés à une survie globale ou sans progression plus courte. Enfin, trois molécules ont simultanément affecté négativement les deux paramètres : la prednisolone (HR SG 1,78 et PFS 1,58), la pristinamycine (HR SG 1,88 et PFS 1,64) et l’oxazépam (HR SG 1,27 et PFS 1,20). statistiquement significatif).
Les mécanismes possibles de certaines de ces associations ont été évoqués ailleurs, comme ceux du rabéprazole ou de l’aténolol. Néanmoins, l’impact des traitements hormonaux sur le pronostic de survie globale et de survie sans progression pourrait être lié à leur influence sur la biologie tumorale. En revanche, dans ces travaux, pour la première fois, certaines molécules nécessitant des recherches ont été identifiées : c’est notamment le cas de la prednisolone, dont l’utilisation n’est pas rare dans le traitement de la maladie. Les auteurs suggèrent que les travaux sur ce sujet soient menés rapidement.
Quant aux molécules qui ont un impact bénéfique, les chercheurs y voient un « perspective d’améliorer le pronostic des maladies grâce à des médicaments abordables » à condition que les effets soient confirmés. Toutes les données sont disponible en ligne.